Tirs laser sur la Lune
Mesure de la distance Terre-Lune
A l'aide de tirs lasers sur la Lune, les physiciens mesurent la distance précise qui sépare la Terre de notre satellite. Indication précieuse pour déceler d'éventuels décalages.
L'amélioration de la méthode planétaire proposée initialement par Newton nécessite de bien connaître la distance qui sépare la Terre et le Lune. Dans ce contexte, dès le premier alunissage en 1969, les astronautes d'Apollo 11 ont déposé un réflecteur sur la Lune. En tout, cinq réflecteurs, déposés sur la Lune par des missions robotisées russes et par des Américains (entre 1969 et 1973), permettent par télémétrie laser de préciser la distance Terre-Lune.
Ces réflecteurs, nommés "coins de cube" dans le jargon des physiciens sont, dans leur conception, analogues aux catadioptres des bicyclettes : ils renvoient la lumière dans la même direction que la direction incidente. Ainsi, en tirant de puissants rayons laser sur ces réflecteurs, les physiciens reçoivent 2,6 secondes plus tard des photons qui ont fait l'aller-retour jusqu'à la Lune, malgré l'atténuation gigantesque de 1021 (1019 photons sont envoyés à chaque tir et on ne reçoit qu'un photon tous les 100 tirs).
Le chronométrage du temps d'aller-retour est donc une mesure précise de la distance entre un point de la Lune (un des réflecteurs) et un point de la Terre (le télescope qui émet et reçoit le faisceau laser) qui est ainsi évaluée à moins de deux centimètres près. Pas mal pour un astre qui est à 360 000 kilomètres de la Terre en moyenne...
Réflecteur placé lors de la mission Apollo 15 en 1971.
Modification de l'orbite lunaire
Connaissant la distance Terre-Lune à quelques centimètres près, les physiciens déduisent un test précis du principe d'équivalence.
Le mouvement de la Lune est extrêmement complexe. Les perturbations de l'orbite lunaire par rapport à une orbite circulaire sont séparées en différentes contributions qui engendrent des petites oscillations de l'orbite lunaire. L'une de ces contributions, l'"inégalité paralactique", résulte de l'effet de marée du Soleil sur la Lune par rapport à la Terre. Sur le mouvement de la Lune, cette perturbation peut être interprétée par le fait que l'orbite lunaire se décale légèrement vers le Soleil. L'amplitude bien connue de ce décalage est de 110 kilomètres.
La Lune et la Terre étant de composition différente, une violation du principe d'équivalence devrait se traduire sur la manière dont le Soleil attire ces deux astres, donc sur l'orbite de la Lune autour de la Terre. En pratique, une violation du principe d'équivalence créerait un décalage supplémentaire de l'inégalité paralactique. En connaissant la distance Terre-Lune à deux centimètres près, les physiciens ont pu comparer l'orbite mesurée à l'orbite théorique. Ils ont ainsi validé le principe d'équivalence avec une précision relative meilleure que 10-12.
Après les premières mesures de télémétrie laser réalisées au Pic du Midi, la France, à la fin des années 70, a développé et mis en œuvre sur le plateau de Calern une station laser dédiée à la mesure de la distance Terre-Lune. Après 30 ans d’activité presque exclusivement consacrée à cette mesure, la station a été rénovée afin de s’ouvrir à de nouvelles activités.
Aujourd'hui appelée MéO (Métrologie Optique), l’activité de la station est désormais centrée sur les liens optiques. La station est impliquée dans de nombreux projets comme le transfert de temps optique (T2L2), la détection des débris spatiaux, les liens cohérents (collaboration Observatoire de Paris), l’optique adaptative (collaboration Onera) et bien sur la télémétrie laser et en particulier la mesure de la distance Terre-Lune qui reste aujourd’hui une priorité forte de l’instrument.

Tir laser depuis le Plateau de Calern, France